1 octobre 2025
Pour comprendre l’impact de la Renaissance italienne sur Oscar Roty, il faut revenir sur la manière dont ce mouvement, né à Florence au XVe siècle, a révolutionné la conception des arts en Europe — notamment en France. La Renaissance n’a pas seulement bouleversé la peinture et la sculpture monumentale. Elle a aussi profondément transformé les arts du métal, la gravure et la médaille, domaines dans lesquels Roty excella.
Pisanello (Antonio di Puccio Pisano, 1395-1455) introduisit le modèle du profil inspiré des monnaies antiques et une profondeur narrative dans ses bas-reliefs, lançant ainsi un genre qui allait durablement influencer la médaille européenne (The Metropolitan Museum of Art).
Né en 1846, Oscar Roty intègre l’École des beaux-arts de Paris, où la filiation avec la Renaissance italienne est omniprésente. Sa formation, basée sur l’étude du dessin, de la sculpture et de la numismatique, le met au contact direct des chefs-d’œuvre de la Renaissance italienne par le biais de copies, de moulages et d’exercices académiques.
Roty, comme beaucoup de ses contemporains, effectue son « Grand Tour » artistique. Il passe par l’Italie (notamment Florence, Rome), s’inspire des ateliers, des collections princières et des musées pour puiser dans les formes et les inspirations du passé.
L’influence visuelle de la Renaissance italienne s’incarne dans de multiples œuvres de Roty, où se croisent :
La médaille de la Ville de Paris (1889), par exemple, offre un portrait féminin d’une grande dignité, rappelant les effigies de la Renaissance florentine. On observe également dans ses revers une scénographie proche des fresques italiennes, mettant en scène des figures idéalisées dans des espaces architecturés.
C’est surtout dans la dimension narrative de ses médailles que Roty perpétue l’esprit renaissant. À la manière de Pisanello, qui utilisait le revers de la médaille pour raconter une histoire ou illustrer un événement, Roty accorde une attention minutieuse à la scénographie, introduit des personnages en action, développe tout un microcosme symbolique dans un espace restreint.
Bien au-delà du style, c’est dans la technique que la Renaissance italienne a touché durablement la production d’Oscar Roty.
On note ici la filiation avec Benvenuto Cellini, grand orfèvre et sculpteur, dont les Pièces d’or et les médaillons étaient copiés puis adaptés par les artistes académiques du XIXe siècle. Roty applique à son tour ces recettes dans ses œuvres personnelles et officielles (Musée du Louvre).
Symbole absolu de Roty, la Semeuse — apparue sur la pièce de 1 franc dès 1897 et devenue par la suite figure majeure de la République — reflète cette synthèse entre tradition de la Renaissance et langage moderne.
Le choix de ce type, à l’heure où la France cherche à affirmer son identité républicaine, témoigne d’une volonté de réactiver les modèles de grandeur morale, de simplicité et de fertilité symbolique issus de l’Italie du Quattrocento.
Le succès populaire de la Semeuse doit donc autant à la virtuosité de Roty qu’à sa capacité à évoquer un imaginaire universel, nourri des codes de la Renaissance.
Au tournant du XXe siècle, la France se passionne pour la Renaissance italienne : expositions universelles, ouvrages de vulgarisation, voyages d’artistes contribuent à faire de cette période un socle culturel. Roty n’est pas isolé. On sait, par exemple, que lorsqu’il fut nommé juré à l’Exposition universelle de 1900, il fit explicitement référence à “la noblesse des maîtres italiens” dans ses rapports (BNF Gallica).
Roty n’a d’ailleurs jamais caché son admiration pour l’Italie. Il possédait une collection personnelle de reproductions de médailles italiennes (source : catalogue de l’exposition Oscar Roty, Paris-Musées, 2003). Au soir de sa vie, il avouait rêver d’un voyage à Mantoue, ville de Mantegna et de Pisanello, pour “retrouver la source”.
L’étude de Roty invite à comprendre combien la Renaissance italienne n’a cessé de “faire école” au fil des siècles. Elle offre un répertoire formel inépuisable pour tous ceux qui, comme Roty, veulent conjuguer humanité, rigueur technique et imagination. Au-delà de ses influences directes, c’est une certaine idée de l’artiste et de son rapport à la société qui perdure : l’artiste comme passeur, héritier et inventeur tout à la fois.
À travers Roty, on saisit donc comment la Renaissance italienne continue d’irriguer l’art français, la mémoire collective et notre goût pour le beau. Croiser le regard d’un médailleur de la Belle Époque avec celui des humanistes florentins, c’est plonger dans un même élan de création, entre fidélité et invention, sources anciennes et questionnements nouveaux.
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