21 octobre 2025
Oscar Roty incarne pour beaucoup la figure du graveur académique, le maître à l’origine de la Semeuse, dont le visage orna longtemps les pièces et timbres français. Mais derrière cette icône nationale se cache un artiste curieux, façonné par ses rencontres avec d’autres cultures et la découverte de territoires étrangers. Entre les murs de l’École des Beaux-Arts et l’atmosphère feutrée des ateliers parisiens, l’appel du voyage n’était jamais loin. Pour Roty, voyager ne signifiait pas seulement fuir le quotidien, mais s’ouvrir à d’autres traditions, s’immerger dans la diversité des formes et repenser les codes de la médaille et de l’art décoratif.
Quels ont été ces voyages qui, loin des clichés touristiques, ont transformé l’horizon créatif d’Oscar Roty ? Quels échanges, quels paysages, quelles cultures ont nourri sa main de graveur ? Plongée sur les traces du maître, à travers l’Europe – et bien au-delà du simple Grand Tour obligatoire.
Le voyage d’Oscar Roty à Rome est sans doute le plus décisif – celui qui marque l’ouverture de son regard et le passage à la maturité artistique. Lauréat du prestigieux Prix de Rome en 1875 (médaille du Ministère de l’Instruction publique), il rejoint cette tradition qui, depuis le XVIIIe siècle, veut que les meilleurs artistes français complètent leur formation à la Villa Médicis.
C’est aussi en Italie que Roty développe un sens aigu du détail ornemental. Ses médaillons postérieurs révèlent cette inspiration italienne par la présence de rinceaux délicats, d’entrelacs inspirés des décorations florentines, et une manière d’inscrire les personnages dans des cadres architecturaux hérités de la Renaissance.
Si Rome forge la matrice classique de Roty, le séjour en Allemagne, moins long mais tout aussi marquant, va consolider ses ambitions de rénover l’art de la médaille. Comme beaucoup d’artistes français de la fin du XIXe siècle, Roty se rend à plusieurs reprises à Berlin et Munich, centres d’ébullition artistique. Cette étape du voyage a lieu au début des années 1880, alors que le médailleur aspire à dépasser le pur académisme.
Un épisode souvent cité (Bulletin de la Société Archéologique de Sens, 1912) mentionne l'intérêt de Roty pour les rencontres avec les médailleurs allemands, notamment Ferdinand Müller, dont il rapporte dans ses lettres l’approche “libérée de la tradition”. Il revient aussi avec un souci accru du rendu matériel des étoffes — une sensibilité qui s’exprime pleinement par la suite.
Moins documentés, les voyages d’Oscar Roty en Espagne, attestés par plusieurs carnets et correspondances datés des années 1885-1887, n’en laissent pas moins une empreinte poétique dans certains de ses travaux.
L’Espagne apporte enfin à Roty l’expérience d’un certain dépouillement : les compositions s’allègent, la surface gravée dialogue davantage avec le vide, chacun de ses médaillons semblant occuper l’espace par sa seule intensité.
Pour Roty, pas besoin de traverser en permanence des frontières. Dès son retour à Paris, il multiplie les pérégrinations à travers les paysages de France, en particulier dans le Loiret et la région Centre.
Un bel exemple, la fameuse Semeuse (créée en 1897), que Roty réalise d’après modèle vivant à Jargeau, illustre cet enracinement. La scène, bien qu’universelle, s’inspire de la vie rurale observée lors de ses voyages intérieurs.
Entre 1880 et 1900, l’Europe fourmille de salons internationaux et d’expositions universelles, offrant à Roty non seulement la possibilité de voir des œuvres venues du monde entier, mais aussi de rencontrer une myriade d’artistes de tous horizons.
À la charnière de deux siècles, le médailleur devient, à sa façon, “citoyen du monde”, puisant dans la diversité européenne – et au-delà – de quoi renouveler perpétuellement sa pratique artistique.
Les influences de ses voyages sont particulièrement lisibles dans les œuvres suivantes :
Un rapide examen de ses médailles expose cette circulation des motifs et techniques : le portrait n’est plus frontal et hiératique, mais vivant et dynamique ; le décor s’anime de détails naturalistes inédits, l’ensemble du médailleur s’enrichit d’une humanité nouvelle, acquise au fil des traversées.
Pour celles et ceux qui souhaitent prolonger ce parcours, plusieurs expositions ces vingt dernières années — à la Monnaie de Paris (2003), au Musée Oscar Roty de Jargeau (permanent) — ont montré, croquis à l’appui, comment l’étranger s’est invité dans l’œil du médailleur. Quelques publications de référence à consulter :
Le parcours viatique d’Oscar Roty révèle un artiste curieux de toutes les cultures, qui a su faire dialoguer la tradition française avec l’inventivité italienne, le naturalisme espagnol et l’audace du médailleur allemand. Chacune de ses œuvres apparaît comme une carte, une invitation à explorer des contrées insoupçonnées. Sa médaille n’est plus un simple objet, mais la empreinte sensible d’un voyage intérieur comme extérieur. Un patrimoine à redécouvrir sans cesse, sur les traces d’un artiste qui n’a jamais cessé de questionner l’ailleurs – pour mieux faire rayonner l’ici.
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