8 octobre 2025
Quand on évoque la Belle Époque, on pense aussitôt à toutes ces images qui ont façonné la mémoire collective : effervescence des salons, profusion artistique, inventions nouvelles qui transforment la vie quotidienne. C’est précisément dans ce creuset de changements que s’inscrit la carrière d’Oscar Roty (1846-1911), médailleur et graveur de génie, dont la fameuse Semeuse s’impose comme l’un des symboles de la modernité française (source : Monnaie de Paris).
Né en 1846, Oscar Roty n’est pas immédiatement associé à la modernité flamboyante des impressionnistes, mais il va, tout à sa manière, incarner l’énergie créatrice de la Belle Époque. Sa formation à l’École des Beaux-Arts, sa sensibilité à la tradition comme à l’innovation, le pousseront à revisiter le médium de la médaille et de la gravure, dialogue constant avec l’évolution de la société qui l’entoure.
La Belle Époque (environ 1870-1914) est synonyme de mutation profonde : dynamisme urbain, optimisme technologique, affiches colorées de Toulouse-Lautrec et Munch, premiers pas du cinéma, musique populaire et opéra, avènement du métro en 1900… L’État français multiplie les commandes publiques (la Monnaie de Paris dirigera 50 à 100 commandes chaque année à la fin du XIXe siècle) (Monnaie de Paris).
Dans ce contexte, la médaille et la monnaie, loin d’être marginales, s’imposent comme des supports d’avant-garde. Roty perçoit ce potentiel et y imprime sa marque, entre tradition et nouvel élan.
Formé auprès de maîtres tels que Lecoq de Boisbaudran, Roty bénéficie d’un double héritage : il hérite du langage académique tout en étant sensible aux aspirations du naturalisme et du symbolisme qui infusent alors l’art français. Il remporte le Grand Prix de Rome de gravure en médaille en 1875 – événement majeur pour tout artiste officiel. Dès lors, sa carrière se confond avec l’essor de la Belle Époque.
La notoriété de Roty est indissociable de cette France sûre d’elle-même, fière de ses avancées scientifiques, et avide d’images chargées de sens.
La « Semeuse » de Roty, créée en 1897 pour orner les pièces d’argent françaises, est l’un des exemples les plus frappants de la façon dont la vision artistique du graveur s’inscrit dans l’air du temps. Plutôt que de reprendre l’allégorie de la République figée, Roty imagine une femme en mouvement, semant à pleines mains dans le vent, vêtue d’une robe antique, silhouette fine et énergique.
La Belle Époque est une période où les frontières entre les arts s’estompent : peintres, sculpteurs, affichistes, décorateurs travaillent souvent ensemble. Roty n’échappe pas à cet esprit fédérateur.
Anecdote révélatrice : Roty travaille à l’occasion avec le célèbre orfèvre René Lalique, dont il apprécie le modernisme et la liberté formelle. Leurs échanges témoignent de l’atmosphère d’émulation propre à la Belle Époque (Lalique).
La multiplication des expositions (Universelle 1889, 1900), des commémorations officielles et des sociétés de collectionneurs va pousser les médailleurs à imaginer des œuvres parfois tirées à des milliers d’exemplaires, accessibles à tous. Roty innove en diversifiant les sujets : commémorations publiques, portraits d’anonymes, scènes du travail, paysages urbains ou ruraux.
Oscar Roty incarne la dualité typique de la Belle Époque : foi dans le progrès, mais aussi nostalgie et attachement au terroir et aux figures populaires. Ainsi, une bonne partie de ses médailles révèle un monde rural idéalisé, des scènes familiales ou des métiers d’antan, loin du seul univers des élites.
La dimension narrative de ces médailles, parfois anecdotiques, rejoint l’intérêt de la Belle Époque pour le récit en images, qu’on retrouve alors dans la bande dessinée naissante ou l’illustration populaire.
Roty reste à cheval entre deux mondes : ses œuvres puisent dans la tradition classique, mais elles sont marquées par un souci constant de renouveau. Il dépose plusieurs brevets liés aux techniques de frappe et de reproduction (source : INPI), ce qui permet à ses œuvres de voyager bien au-delà des salons officiels.
Oscar Roty incarne à lui seul de nombreux thèmes structurants de la Belle Époque : confiance dans les forces de la République, désir de diffuser l’art dans tous les milieux, attention à la fois à la modernité et à la mémoire. C’est cette synthèse between tradition et audace qui continue de toucher aujourd’hui collectionneurs et amateurs d’art.
Quelques chiffres illustrent la résonance de son œuvre :
Pour Roty, la Belle Époque n’aura pas été seulement un décor : elle a modelé ses convictions, nourri ses images, offert ses sujets. Aujourd’hui encore, ses médailles et ses dessins constituent autant de témoignages sensibles de cette période charnière, et invitent à redécouvrir le patrimoine quotidien sous un nouveau jour.
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