29 août 2025
Paris, dans la seconde moitié du XIX siècle, était la capitale artistique de l’Europe. Les grandes écoles y forgeaient les artistes autant que les courants, et le passage par l’une ou l’autre pouvait déterminer une carrière. Oscar Roty est né le 11 juin 1846 dans ce bouillonnement culturel et artistique. Avant de trouver sa voie propre, il s’inscrit dans les grandes traditions de formation qui marquent alors toute une génération de sculpteurs et de graveurs.
Roty ne vient pas d’une famille d’artistes : son père, imprimeur, observe d’un œil attentif les talents du jeune Oscar. Celui-ci commence par faire sa scolarité au Lycée Bonaparte (aujourd’hui Lycée Condorcet), l’un des plus prisés du Paris du Second Empire. Si l’enseignement y est généraliste, c’est déjà là que se révèlent de premiers dons pour le dessin : ses camarades remarquent la précision de ses croquis de bustes et d’objets.
Son goût pour l’ornement et la finesse de la ligne poussent la famille à l’orienter, dès la sortie du lycée, vers une filière plus manuelle et artistique. Il n’a alors que seize ans.
Avant d’intégrer l’École des Beaux-Arts, Oscar Roty passe par un établissement alors à la pointe : l’École des Arts Décoratifs, fondée en 1766 et devenue un vivier d’inventeurs de style. L’école, située rue de l’École de Médecine, promeut un enseignement plus pragmatique que celui des Beaux-Arts, en cultivant la polyvalence : le programme inclut le modelage, l’ornementation, la gravure, la ciselure.
L’École des Beaux-Arts, fameux bastion de l’art académique, constitue le pivot du parcours de Roty. Il y est admis en 1867, après concours, dans le département de gravure en médailles et pierres fines – une filière d’élite regroupant à peine une quinzaine d’élèves chaque année (sources : Bulletin de la Société française de numismatique).
La vie d’étudiant aux Beaux-Arts est rythmée par les concours : concours d’esquisse, de modelage, de composition. Les journées commencent tôt, dans la lumière des ateliers, et se terminent parfois tard, au bruit des burins. On y apprend :
Non seulement la technique, mais aussi l’exigence du regard et du jugement critique, sont inculqués par les maîtres.
Hubert Ponscarme, révolutionnaire discret de la médaille, va profondément marquer Oscar Roty. Ponscarme, premier à introduire la notion d’œuvre “d’auteur” dans la médaille (qui cessait d’être une simple commande pour devenir une création artistique), encourage Roty à dépasser l’imitation des maîtres anciens pour explorer une expression plus personnelle du relief.
On raconte que Ponscarme, découvrant la première esquisse d’un jeune Roty, aurait dit « Ce garçon a la main insolente des gens qui osent tout » (cf. L’Art et les artistes, 1905).
La consécration du cursus aux Beaux-Arts demeure le parcours du prix de Rome. En 1875, à 29 ans, Roty le remporte dans la section gravure en médailles, après une tentative infructueuse l’année précédente. Il réalise pour cela une médaille sur le thème imposé de Philémon et Baucis, qui fait alors sensation.
Ce passage par Rome est crucial : Roty acquiert un sens de la monumentalité, du mouvement, et du décor narratif, qui façonneront plus tard sa vision de la médaille “vivante”.
Durant ses années de jeunesse, la formation théorique s’accompagne d’un constant travail sur commande. Institutions publiques, municipalités et collectionneurs privés sollicitent, dès avant 1880, le talent de Roty, dont l’audace fait parler dans les cercles parisiens. Parmi les premières œuvres notables issues de cette période de formation :
Dans ses jeunes années, Roty exposera régulièrement au Salon des Artistes français dès 1873. Le Salon agit comme un passage obligé, à la fois redouté et convoité. Chaque année, plus de 2000 œuvres y sont envoyées, mais à peine 10% sont acceptées en médailles ou bas-reliefs. Roty s’y fait remarquer non seulement par sa technique mais aussi par ses compositions narratives, influencées par les lectures et voyages entrepris pendant ses années d’études.
Des critiques célèbres de l’époque, comme Roger Marx, lui valent une réputation de précurseur de la “médaille impressionniste”, tant il capte l’instant plutôt que la pose figée (cf. Gazette des Beaux-Arts, 1898).
Après la conquête du Prix de Rome, Roty reviendra souvent à l’École des Beaux-Arts comme membre du jury, puis comme professeur suppléant. Il lègue alors aux jeunes élèves ce souci du détail et cette soif d’expérimentation qui l’ont distingué. Parmi ses élèves, on compte Jules Desbois, Charles Pillet et Frédéric Vernon, figures marquantes de la médaille française du tournant du siècle.
Cette tradition d’excellence académique, combinée à une volonté d’innover, portera l’héritage de la formation de Roty jusque dans les ateliers modernes.
Le cas d’Oscar Roty illustre à quel point, dans la France du XIX siècle, la réussite artistique passait par une solide formation. Mais l’école, loin d’être un corset, fut pour lui un tremplin : entre École des Arts Décoratifs, Beaux-Arts et séjour à Rome, Roty assimila puis dépassa les règles. L’exemple de son parcours offre, encore aujourd’hui, une réflexion passionnante sur la manière dont les institutions artistiques savent, ou non, amadouer les génies, et transformer des vocations en carrières singulières.
Sources :
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